Irina Lankova : comment dépasser la nostalgie russe ? / Elégie dans Le Soir ****

Le confinement aurait pu être l’occasion pour un jeune interprète de nous livrer son voyage personnel. Le cas d’Irina Lankova est un peu plus complexe. Cette pianiste russe qui vit en Belgique depuis 2013 vient de sortir un album intitulé Elégie. Partie d’une large sélection de pièces de Rachmaninov, elle nous entraîne vers la sérénité intemporelle de Bach via des relectures intenses de Schubert par Liszt. « Je préparais ce disque depuis fort longtemps et l’enregistrement était prévu en 2020. Mais la crise du confinement s’est montrée bénéfique en permettant d’approfondir ma vision des œuvres choisies qui a rendu les sentiments plus intenses. En fait, c’est exact qu’un pianiste peut tirer parti de la solitude. On peut jouer seul. Une pianiste russe qui vit depuis longtemps à l’étranger, on est tenté de lui parler du mal du pays, particulièrement quand elle joue Rachmaninov, cet exilé forcé de l’histoire. Cet appel du pays est bien propre à Rachmaninov qui n’a pas pu rentrer au pays. Mais moi, je peux. Et je m’y rends compte combien la mélancolie appartient à l’âme russe et imprègne pour cette raison cette musique et la perception que j’en ai. Ces sentiments font donc partie de mes racines culturelles. Dans le disque, je m’en dégage petit à petit en direction d’une dimension plus universelle. Rachmaninov souffle par rafales mais, pour Bach, on doit retirer toute expressivité inutile. C’est le but de mon périple. » 

Le Soir / Serge Martin / 16/06/2021